Il n'existe pas endroit plus désolé, refuge plus agréable, qu'une plage aux premières lueurs du jour. C'est un lieu calme et froid, où les cris des oiseaux ne trouvent pas encore d'écho dans ceux des hommes. La lumière tendre du soleil ne brûle pas encore le sable et la mer reste vagabonde. Ce n'était pas par hasard qu'elle avait choisi ce moment. Elle détestait le hasard. Chacun est maître de sa propre vie et c'est une vieille superstition que de croire au hasard et à la faiblesse du pouvoir humain. Elle était son propre exemple en dirigeant son existence, d'un bout à l'autre, avec une poigne de fer. Elle faisait ce qu'elle aimait, contournait pratiquement toujours les obstacles et revendiquait sans relâche sa liberté. Ce n'était pourtant pas facile avec un caractère comme le sien, aventurier et inlassable, perpétuellement à la recherche de la nouveauté et du danger. Mais elle se laissait rarement abattre et retrouvait rapidement des forces. Quitte à intérioriser les plus mauvais sentiments... À la manière de plantes grimpantes que l'on aurait voulu cacher dans une petite pièce noire. 
Elle était là, vêtue d'un trop grand pull blanc sous lequel elle était en maillot de bain. Appareil photo en main, comme souvent, les genoux enfoncés dans le sable. Elle essayait déjà depuis un long moment de prendre en photo la lumière du soleil mais elle ne trouvait jamais satisfaction. Elle s'était relevée, pour se dégourdir les jambes mais aussi pour se mettre à la recherche d'un nouveau modèle. Il n'y avait toujours personne ou du moins pratiquement pas, huit heure n'avait pas sonné.

Epiphane s'était soulevé de sous une montagne de sable et d'eau. Elle avait réussi à ne pas en perdre une miette malgré la distance. Son appareil photo, au zoom puissant, lui ayant même permis de reconnaître son ami. Elle avait esquissé un sourire sage puis s'était lentement dirigé vers lui. L'impatience lui tiraillait l'estomac car il y avait longtemps déjà qu'elle ne l'avait plus vu. Ils n'avaient pas souvent l'occasion de se voir et son départ précipité pour la côté ne lui avait pas non plus permis de le prévenir. C'était avec plaisir qu'elle le rencontrait à nouveau. Il avait été une de ses rencontres et puis un de ses amis. Une exception dans son paysage.

"Hé oh!" lança t-elle dans un cri de joie, à peine contenu.

En accélérant le pas pour le rejoindre, elle avait pointé son objectif sur lui et appuyé sur le déclencheur. Il lui sembla qu'il avait l'air contrarié mais elle se retint de faire un commentaire. Du moins pour l'instant.

"Je ne comprends pas comment tu peux aimer dormir sur la plage. C'est sale et inconfortable."

C'était une façon comme une autre de lui signifier qu'il était bête de s'être mis dans cet état. Et puis elle avait envie de le titiller, de le voir réagir. Ce cadre l'apaisait trop. D'ailleurs, l'état dans lequel il se trouvait ne devait pas être complètement étranger à son humeur.
"Tu es piteux état."